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L'espace public réenchanté
ou la disneylandisation du mode de vie urbain

 
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Quel sens donner à la mise en scène, par le biais de la "requalification" et de "l’animation événementielle" de certains espaces publics, d'une urbanité placée sous le signe de la réappropriation ludique et conviviale de la ville ?
Opportunité offerte aux citadins de faire valoir leur vision propre du « vivre ensemble » et leur aptitude à la mettre en œuvre ? Plutôt mise en condition et normalisation à visées à la fois consensuelles et commerciales.

Il s'agira de montrer, exemples à l'appui dans quel contexte et avec quelles finalités se met en place ce "dispositif", au sens que le philosophe Giorgio Agamben donne à ce concept: « tout ce qui a, d'une manière ou d'une autre, la capacité de capturer, d'orienter, de déterminer, d'intercepter, de modeler, de contrôler et d'assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours ».
Qu'est-ce qu'une Cité disneylandisée ? Peut être appelée ainsi toute Cité, et, par-delà, toute société, où les maîtres sont les maîtres des attractions et les esclaves spectateurs ou acteurs de celles-ci.

Jean-Pierre Garnier, sociologue spécialisé en architecture et urbanisme, chercheur au CNRS, a donné une conférence très remarquée à la Dionyversité sur "architecture, urbanisme et maintien de l'ordre", que vous pouvez (ré)écouter sur ce site.

bibliographie
le 4-pages du cycle

Par
Jean-Pierre GARNIER

Le néo-citadin de la ville festive diffère notablement de celui dont avaient accouché les "Trente glorieuses". Si son successeur "post-moderne" reste plus que jamais normalisé, formaté, calibré comme consommateur de biens, de services et de spectacles, il se veut désormais un consommateur actif : la passivité a fait place à la "participation".
En fait, il ne fait que se plier à la stratégie de "communication" externe et interne des élus locaux. À coups d’"animations", de "manifestations" et autres "événements" programmés, ceux-ci cherchent à s’assurer la coopération massive et dynamique des habitants transmués en figurants bénévoles sur les espaces publics scénographiés.
Cette image d’une population enthousiaste, participante et soudée est censée donner corps à la nouvelle identité de la ville et l’aider à se démarquer de ses rivales dans la « concurrence libre et non faussée » entre Cités.
Autant dire que le "consom’acteur" urbain est non seulement la cible, mais aussi le vecteur de la publicité municipale.

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Le citadin nouveau est arrivé : un consom’acteur

Au-delà de ses visées mercantiles, la "revalorisation" de l’espace public s’inscrit dans une entreprise plus vaste et de plus longue haleine, de caractère idéologique : rasséréner une population française que le futur angoisse... ou que l’absence de futur tend à désespérer.
Comment ? En réenchantant le présent, par compensation, grâce à un "cadre de vie" paré de tous les charmes d’une urbanité aussi festive que factice.
La stratégie mise en œuvre ne consiste plus, donc, à « changer la ville pour changer la vie », comme certains en avaient rêvé à l’époque de la "contestation", mais à changer l’image de la ville pour changer l’idée que les gens se font de leur vie.
Grâce à des décors et des scenarii adaptés, on éradiquera de la scène urbaine tout ce qui peut rappeler les divisions, les contradictions et les conflits sociaux pour la transmuer en un vrai-faux "magic kingdom" où les habitants se comporteront en touristes dans leur propre ville.

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L’aménagement et l’animation comme euphorisants

Toujours à l’avant-garde dans le domaine urbanistique et architectural, la municipalité de Montpellier vient d’importer d’outre-Atlantique un nouveau "concept" : le "centre ludico-commercial". Ce mixte de centre commercial et de parc à thèmes aurait pour vertu de « transformer la corvée des courses en partie de plaisir » : le client, convié à se plonger dans le passé méditerranéen ou à se projeter dans un futur mondialisé, cèderait la place au « voyageur épris de découvertes et de sensations ».
À partir d’une présentation illustrée de ses composantes spatiales et d’une déconstruction méthodique des discours destinés à le promouvoir, on verra que cet "espace public inédit" mis au service des intérêts privés constitue un pas de plus en matière de manipulation des individus puisqu’il leur permettra de vivre en troupeau tout en en se croyant libres.

De l’espace public à l’espace publicitaire : L'Odysseum à Montpellier

 
fermer bibliographie

- Henri Lefebvre : Le Droit à la ville (Anthropos, 1968)

- Collectif anonyme :
La Fête est finie, 2005
Version électronique http://lafeteestfinie.free.fr
Pour la version livre, écrire à lafeteestfinie@free.fr

- Benoît Duteurtre :
La Cité heureuse (Fayard, 2007)

- Bruce Bégout :
Zéropolis (Allia, 2002)

- Jean-Pierre Garnier, Denis Goldschmidt :
La Comédie urbaine ou la Cité sans classes (Maspero, 1977).