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Cinéma et anarchie, de la Belle Epoque à 1930 |
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Selon Gilles Deleuze, il y a bien « une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance ». Acte de résistance que les anarchistes se sont employés à faire surgir à la moindre occasion donnée.
Le premier à valoriser cette idée est Pierre-Joseph Proudhon avec son traité intitulé "Du principe de l'art et de sa destination sociale" (1865) qui formule une rupture avec l'art bourgeois. Il propose de mettre les artistes hors du gouvernement, afin que l'oeuvre ne devienne jamais une manifestation d'autorité, une entrave à la libre créativité de l'homme, car pour lui, l'art ne peut se contenter de refléter les choses mais doit aider à leur transformation.
Trente ans plus tard, le militant libertaire et créateur des Bourses du Travail, Fernand Pelloutier, proclame à son tour que si « l’ignorance fait les résignés », « l’art doit faire des révoltés ».
Depuis la fin du XIXème siècle, la littérature, la peinture puis le cinéma, vont offrir aux anarchistes la possibilité d’affirmer leur point de vue politique de façon marquée. Ce cycle reviendra donc sur le croisement de cette philosophie politique et du film sous des aspects divers (de la fiction militante au documentaire éducatif en passant par le film d'avant-garde) durant les premières années du cinéma français.
Isabelle Marinone est historienne du cinéma, enseignante-chercheuse à l'Université Paris III. Elle est notamment auteur d'une thèse intitulée "Anarchisme et Cinéma en France : Panoramique sur une histoire du 7ème art français virée au noir". |
Par
Isabelle MARINONE
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La Coopérative du Cinéma du Peuple apparaît en 1913. Société de production tenue par une majorité d’anarchistes et quelques socialistes, celle-ci s’attache à réaliser et à diffuser des films à destination du peuple. L’expérience en elle-même est courte puisqu’elle dure moins d’un an, d’octobre 1913 à août 1914, stoppée par la Première Guerre Mondiale. Elle est gérée par une vingtaine de personnes dont son cinéaste attitré, Armand Guerra, artiste espagnol et militant anarchiste qui réalisera "La Commune", toute première reconstitution historique de la révolution populaire de 1871. Cette coopérative cinématographique constitue la première forme de cinéma militant en France.
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Le Cinéma du Peuple
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Le militantisme n’est pas l’unique aspect du cinéma libertaire. Face à un cinéma « militant et humain » une autre forme s’affirme, la cinégraphie d’avant-garde. Les fantasmagories des groupes artistiques Hydropathes, Incohérents, Zutistes, ou encore Jemenfoutistes de la fin du XIXème siècle passent dans le cinéma de Georges Méliès, dans celui d’Emile Cohl (père du dessin animé), ainsi que dans les productions des "anar-tistes" dadaïstes et surréalistes. |
Les avant-gardes libertaires
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L’œuvre cinématographique de Jean Vigo porte la marque d’une poésie révoltée sans nulle autre pareille. Celui que l’on a considéré comme le Rimbaud de l’image en mouvement, l’artiste maudit mort tragiquement dans la fleur de l’âge, reste pour beaucoup l’incarnation du jeune rebelle au génie créateur. Si la veine mutine de Vigo transparaissant dans ses films tient en partie au jeune âge du cinéaste lorsqu’il les réalisa, à l’évidence celle-ci ne découla pas uniquement de son enthousiasme juvénile. La contestation et la subversion étaient déjà largement pratiquées par les parents du réalisateur. Vigo, issu d’un milieu révolutionnaire qui marquera à la fois sa personnalité et son œuvre, est le fruit de deux militants anarchistes, Emily Clero et Eugène Bonaventure de Vigo, plus connu sous le pseudonyme de Miguel Almereyda.
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Jean Vigo, un cinéaste rebelle
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