Les dimanches au musée - 4e trimestre 2010

Ces images satiriques "classiques" de bourgeois ventrus ou de manifestations populaires autour de 1900, tout le monde les a forcément vues, réutilisées dans les tracts ou reproduits dans les manuels scolaires. À un siècle de distance, on est surpris devant la vitalité des images, leur esthétique d’avant-garde et l’actualité de certaines couvertures.
Derrière L’Assiette au beurre, que l’on pourrait traduire par la plus contemporaine expression de "pompe à fric", se cache une revue atypique, dont les 9 600 dessins expriment une révolte plus complexe qu’il n’y paraît.

Spécialiste du trait satirique, collectionneur infatigable et auteur de nombreux ouvrages dont une monographie de référence sur L’Assiette au beurre, Michel Dixmier consacre une grande partie de son temps à l’histoire et la pédagogie du genre caricatural.

Il n’est pas toujours facile d’assurer l’ordre au sein des processus révolutionnaires plutôt marqués par la remise en cause du pouvoir. Le trouble politique peut, en outre, servir d’aubaine à des psychopathes névrosés comme Dzerjinski ou Fouché. Certains personnages comme Fouquier-Tinville ou Raoul Rigault sont passés à la postérité pour leur culte soi-disant fanatique du "tout répressif". Mais cette image résiste-t-elle à l’examen, ou est-elle le fruit d’une reconstruction de l’histoire par les tenants de l’ordre moral, à chaque fois victorieux ?
Honni des amis de Mr Thiers, figure bohème du Quartier Latin et jeune loup de la mouvance blanquiste, Raoul Rigault provoque encore aujourd’hui les controverses au sein des différentes chapelles idéologiques, tour à tour adoré ou détesté pour sa truculence, sa lucidité, son cynisme mortifère ou sa mort en martyr. Autant d’éléments contradictoires qui, à partir d’une approche biographique critique, nous amèneront à réfléchir sur la nature, forcément complexe, d’une révolution.

La vision du futur est toujours quelque peu jubilatoire quand elle concerne nos ancêtres. En d’autres termes, il est fascinant de retrouver la façon dont on imaginait l’an 2000 en 1900. Derrière une multiplicité de représentations visionnaires, loufoques ou volontairement satirique se profile une approche spécifique de l’utopie, autant par ce que l’on espère que par ce que l’on craint.
La profusion de l’œuvre du dessinateur Robida, a priori loin de tout engagement politique, permettra de se demander, à un siècle d’intervalle, ce que c’est que d’imaginer un monde moderne… forcément meilleur ?

Avec l'appui des collections de la Médiathèque de Saint-Denis.