Les dimanches au musée - 1er trimestre 2012

"Depuis l'épidémie de phylloxéra, le pays n'avait pas connu une semblable misère. Il y avait trois ans qu'elle montait. Les vignerons tournaient dans leurs caves comme des fauves autour de leurs grilles. Les ouvriers sans travail promenaient par les rues leurs visages terreux. Des femmes aux chignons croulants montraient le poing au ciel. Les enfants pleuraient. Jamais la détresse humaine n'était apparue plus poignante que dans ce terroir d'abondance et de soleil."
(Ludovic Massé, "Le vin pur", P.O.L. 1984)

La concurrence étrangère fait rage, jouant sur sa surproduction. (2012 ? Non, 1907 !)
Les vins trafiqués sont en vente libre sur le marché, et les fraudeurs sont impunis. (2012 ? Non, 1907 !)
En vain les vignerons réclament-ils l’interdiction du sucrage officiel et le rétablissement des droits de douanes. (2012 ? Non, 1907 !)
Le gouvernement est plus à l’écoute des intérêts des grands betteraviers et céréaliers du Nord que du petit peuple des Corbières : fin de non recevoir. (2012 ? Non, 1907 !)
Avec la misère, la colère et la révolte monte à travers les villages. Les manifestations se multiplient dans tout le Languedoc. Son principal meneur, Marcellin Albert, se rend à Paris où il se fait proprement rouler dans la farine par un ténor de la gauche centro-pédalo-radicale, Clemenceau, ex 1er flic de France. (2012 ? Non, 1907 !)
Le mouvement de 1907 tiendra en haleine la presse nationale et l’opinion publique pendant plusieurs mois. Par sa masse, sa durée, l’unanimité manifestée, il représente la dernière grande révolte paysanne qui se soit déroulée en France… Jusqu’à la prochaine fois. (1907 ? Non….)

L’œuvre de Jean Ignace Isidore Gérard dit "Grandville" (1803-1847) est éclipsée par l’éclat de son contemporain Daumier. Sans doute une mort prématurée à 44 ans, suite à une crise de démence, n’y est-elle pas pour rien. Or, la France de 1830 fut éblouie par l’audace, le vitriol de son burin, tout autant que par la fantasmagorie de son imagination. Balzac ne s’y trompait pas lui qui réclamait à corps et à cris la collaboration de Grandville comme illustrateur de La Comédie Humaine.
La Monarchie de juillet lui donne brièvement la possibilité de hurler ses idées républicaines et anticléricales Artiste redouté, adulé et par-dessus tout plagié par ses pairs, il est autant que Philipon et Daumier la cible principale de la loi de censure iconographique édictée en 1835 par le sinistre Thiers.
Baudelaire, puis les surréalistes ne manqueront pas une occasion de célébrer un talent aussi atypique et libre. Nous ferons de même et célébrerons pêle-mêle les Transformations, visions, incarnations, ascensions, locomotions, explorations, pérégrinations, excursions, stations, cosmogonies, fantasmagories, rêveries, folâtreries, facéties, lubies, métamorphoses, zoomorphoses, lithomorphoses, métempsycoses, apothéoses et autres choses, bref, cet "autre monde" de Grandville.

Depuis le moyen âge, tavernes, mastroquets ou estaminets sont lieux de réjouissances mais aussi de discussions, de colère collective, d'insoumission. Le changement de nom, café, bistrot, ne fait que consacrer le lieu comme un ferment révolutionnaire.
Or, de nos jours, les usines ferment et provoquent (heureusement!) la mobilisation de tout le mouvement social alors que l'extinction des cafés se fait dans l'indifférence générale, sous prétexte que les patrons sont souvent de l'autre bord.
C'est de cette histoire d'un lieu de subversion par excellence et du constat contemporain à y apporter qu'il sera question dans cette conférence.